Encore une fois, l’artiste, quasi autoproclamé, se place dans une supériorité toute puissante. Tel un dieu créateur d’univers inaccessibles au commun des mortels, il parle à ses congénères en se parlant à lui-même. L’intelligence en place ne sait pas qu’elle est une intelligence parmi d’autres, et s’arroge le trône ultime. La sémantique de l’excellence et du vulgaire parcoure la rhétorique qui, par son sublime, séduit et hypnotise, sans aucun doute mais… Je trouve cette tournure de l’ouvrage malsaine et je tiens à la cibler, pour m’en défaire – ô combien ces ficelles me ligotent dans mon plaisir de vivre (et de créer).
Malgré cela, qui ne m’a pas frappé d’emblée ni de plein fouet, cette même intelligence est fascinante à observer dans son enroulement de phrases et d’images, sa puissance évocatrice, son foisonnant imaginaire. Et il est vrai que des mots sont mis sur ce que la lecture donne à vivre, que je n’avais pas identifié ainsi jusque là. Tout en trouvant d’une impressionnante naïveté (pour ne pas dire un manque d’intelligence) de voir se délibérer la possible notion d’une conversation entre le lecteur et son livre (en comparaison de deux personnes).
J’ai trouvé sublime comment et combien il propose que le livre ne possède jamais aucune réponse, et que sa fonction est, comme une toile, comme un morceau de musique, de soulever un voile, un élan, un désir, une question, en l’être qui s’y ouvre. Que ce serait la fonction même de l’art, de donner à chacun l’appétence d’une vie intérieure à découvrir sans cesse, et que rien n’est donné par l’œuvre, sinon l’impulsion à chercher. Ça me parle beaucoup, et ça me libère d’un poids dans ma propre créativité : je n’ai rien à donner, à fournir, à expliquer, si ce que je partage suscite seulement un désir, mon travail est accompli.
⊕ Lire mes autres chroniques
⊕ Mes courts films poétiques
☞ Acheter/commandez « Journées de lecture » Marcel Proust chez votre marchand de livre !