Anecdote d’un étrange lien au réel : hier, en rentrant du travail, j’étais très habité par le manque de commandes photographiques.
// Mais avant d’aller plus loin: œuvres de Nicolas Muller au Musée Ariana, images parues dans le journal La couleur des jours (http://www.lacouleurdesjours.ch) – n°49 hiver 2023-2024 //
La suite donc.
Être mandaté pour faire des photos. J’avais envie de ça. Me sentir utile, me sentir demandé avec cette compétence, et tout ce qui s’ensuit : la découverte, les contacts, le jeu et la concentration, le plaisir, les échanges, peaufiner les images, les envoyer, être payé. Puis je me suis repris, étonné, interloqué : mais Boris, tu viens de faire des images pour la presse il y a une heure à peine ?! Comme si ça ne s’était pas inscrit. Nouvelle exposition au musée, Laurence avait besoin d’images pour le lendemain, il était déjà 15h30, j’avais été pris par d’autres priorités toute la journée, je devais faire vite et bien, donc peu, d’autant plus que je n’aurais pas le temps de rouvrir les vitrines pour éliminer les reflets – le délai est toujours court entre fin de montage et envoi du dossier de presse. Beaucoup de plaisir, à justement jouer avec les reflets, trouver des angles, dessiner des contrastes d’ombres et de lumières, de lignes et de fonds, des coupes et des vues. Arrivé chez moi, j’avais oublié déjà, tout ça, et pas vraiment réalisé que ces images partaient aujourd’hui pour la presse : les journaux de Genève, Le Temps, La Tribune, Le Courrier, etc.
Je devine ce qui se joue là : ce ne sont pas mes photographies, ce n’est pas mon monde photographique, ce n’est pas mon univers créatif, pas ma vie à moi mise en scène, ma poésie. Mais en fait si : non seulement, j’ai systématiquement liberté totale de prendre les images comme ça me vient, je n’ai jamais aucune directive, au contraire, c’est bien mon regard photographique que Laurence apprécie de trouver dans ces images ; et en plus, c’est ma vie, pour peu que j’en prenne acte : je travaille là, avec ces gens, dans cette fonction, c’est ma vie, ma vie professionnelle, mais c’est ma vie, une partie de ma vie.
