Ecriture | Photographie | Musique | Vidéo
Chemin de vie
1974 | Naissance
1993 | Maturité latine à Genève à 18 ans (Collège de Staël)
1994 | Année sabbatique et 6 mois de voyage (Californie USA)
1997 | Deuxième année de sociologie (UNIGE)
2001 | Demi-licence en psychologie (FAPSE)
2007 | Master en psychologie (FAPSE)
2009 | Formation post-graduée de Psychothérapeute (ACP/FSP) – interrompue après 2 ans sur 4
2018 | Chargé de communication digitale au Musée Ariana de la Ville de Genève (50%)
En écriture: d’où, pourquoi, comment, peut-être (2010)
J’ai fait le choix de voir ma naissance à l’écriture au moment où ce qu’il convient de nommer « le journal intime » s’est installé parmi les rituels de ma présence au monde. Il y aurait sans doute d’autres sources, d’autres départs éligibles, mais c’est celui qui se manifeste le plus distinctement à mes yeux lorsque je relis mon cheminement.
Je crois volontiers que c’est sa valeur affective qui me porte à lui donner ma préférence : il coïncide avec la fin d’une certaine paix, d’une certaine tranquillité. L’adolescence forme le paysage de cette perte, et peut-être a-t-elle favorisé la sensibilité de ma réponse au déclencheur, mais c’est bien l’invitation de la maladie grave dans le cercle familial qui a marqué le début que je tente de décrire. Le geste particulier du journal intime s’est imposé au moment où l’intime sécurité de la famille a été ébranlée – difficile de ne pas tendre un pont entre ces deux événements. (Je n’ai fait le rapprochement que beaucoup plus tard, en relisant mes premières pages). Je ne me hasarderai cependant pas à théoriser sur les motifs possibles de cette simultanéité, tant il s’agirait davantage d’en réduire la pressentie complexité pour le confort de notre esprit plutôt que pour l’intelligence de notre compréhension.
Parmi celles qu’il serait possible d’identifier encore, et toutes celles qui sont à venir, il y a une deuxième naissance que je me dois de remarquer. C’est le moment où j’ai choisi de donner à l’écriture toute la place qu’elle demandait. Formule vague par laquelle je veux évoquer l’urgence ressentie et le besoin vital d’en suivre l’invitation, un appel intérieur, irrationnel et peu raisonnable, mais qu’une certaine écoute de soi tend à révéler avec une force qui empêche de trop raisonner. Et c’est de n’avoir pas écouté les voix de la raison, précisément, qui m’a porté à me risquer à ce voyage. Un temps où l’écriture est devenue le centre, le pivot, la colonne d’existence, et qui m’a permis, mais aussi et surtout contraint, d’apprendre à son contact un nouveau rapport, tissé du désir d’être lu, du besoin de la rencontre – et donc imprégné d’exigences nouvelles. Depuis, l’écriture a gardé son importance vitale, tout en ayant dû trouver une place relative et viable. Je pourrais d’ailleurs remplacer le terme « écriture » par celui de « poésie », voire d’« état poétique ». Car c’est finalement la vibration enchantée d’où sourdent les mots, dont je ne saurais me passer.
En photographie: le jeu (2010)
Il y a eu les appareils qui traînaient sous les doigts potelés de l’enfant, les images des rituelles vacances le long des routes et des paysages sillonnés, une pratique familiale partagée où se jouaient de pseudo-concours qui introduisaient le rire tout en exacerbant la recherche, les intentions affectives de la mère et l’esthétisme sensible du père, la fragilité de la sœur en creux… Puis vint la passion adolescente, née comme toute passion: mystérieuse et conditionnée… Un peu de laboratoire, sans jamais trop adorer les longues heures dans la pénombre des révélateurs et les odeurs acides, mais volontiers concentré sur la manipulation des secondes pour voir l’image se dessiner au plus près de l’attendu – comme aujourd’hui l’attention peut se focaliser intensivement devant l’écran d’ordinateur pour tirer sur les manettes des applications et appuyer tel contraste, apaiser telle lumière, souligner tel pli de forme…
Rapidement accompagnée de deux compagnes, l’écriture et la musique, la photographie s’est installée dans les heures creuses, tandis que la plume et les mélodies prenaient les devants. Chacune de ces passions rappelant la nécessité de leur présence pour garder vivant celui qui, simultanément, s’accommodait d’études plus académiques. Longue et délicate jonglerie de besoins expressifs, créatifs, récréatifs, de curiosité déployée et de contraintes sociales. L’arrivée du format numérique a clairement pourvu d’un second souffle la présence de l’image: petits appareils en poche, le besoin de discrétion pouvant trouver son confort dans la presque invisibilité du geste, les frais nettement amoindris permettant d’oublier les coûts du plaisir, l’immédiateté du rendu: formule magique pour un spécimen de la génération Y ! En outre, les appareils compacts permettaient la capture en toutes occasions: temps musicaux et promenade de futures inspirations poétiques sont désormais facilement ponctués d’instantanés qui leur font écho. Un goût peu conscient pour le format carré, retenu par le prix exorbitant des appareils idoines, s’est littéralement précipité sur la proposition des smartphones et de leurs applications: une vraie joie, comme un cadeau, une chance. Enfin, le partage sur les plateformes du réseau internet est venu appuyer, nourrir, relancer, entraîner, grandir, le jeu, le plaisir, la conscience, les retours…
Peut-être cette présentation le suggère sans le dire explicitement: l’image naît à l’occasion d’une expérience non photographique. Même si forcément intimement relié aux modalités sensibles des vécus et de leur subjectivité, l’acte est traité par des zones peu élaborées du pensé. Il n’y a pas de démarche, nulle conceptualisation de l’habitude, pas plus qu’il n’y a de « sortie photos ». Il y a des promenades pour la promenade, accompagnées ou pas d’un appareil où l’image ajoute d’ailleurs autant qu’elle enlève: la présence n’est pas la même, le regard sans capteur laisse plus d’intériorité, l’attention aux possibles cadres surgis de l’alentour fait quitter un peu les éprouvés et installe vaguement au-dehors de soi. Mais, donc, essentiellement, des contacts sensibles avec l’environnement, des gestalts qui s’imposent au regard; des chocs esthétiques, émotions dont l’ineffable est rassemblé, formé, rendu signifiant par cette mise en boîte, cette capture proprement dite; des bouffées d’angoisse qui trouvent rassurance dans le souvenir noté, imprimé quelque part; des joies du regard qui appellent la saisie, font vibrer le désir du partage, du témoignage. Une ordonnance naïve, spontanée et qui tient à préserver, dans l’acte, sa nature irréfléchie, tant la rationalité envahi de partout les terrains bruts du sensitif, trop souvent en les dévitalisant. Une image n’est évidemment jamais simple, mais c’est de la vivre davantage que de la penser qui se fait ici.
En musique: une longue histoire (2002)
Nous rentrions de Frigourg-en-Brisgau en voiture, je venais d’apprendre mes premiers accords sur la guitare des amis allemands et, afin de pouvoir m’entraîner durant le trajet, j’avais confectionné un pseudo-manche : une mince planche de bois, dont j’avais entaillé les extrémités pour y glisser des fils de laine en guise de cordes. Après avoir dessiné les cases sur la face de la planche, il ne me restait plus qu’à poser mes doigts dans les bons emplacements. Do, sol, ré, la… On the road!
C’est ensuite sur les enregistrements poussiéreux de John Lee Hooker que j’ai commencé de racler sérieusement mes doigts à force de déchiffrer les solos minimalistes du maître. Une heureuse coïncidence entre mes facultés à l’état naissant, mon goût positivement disposé et l’épure sensible de ses chorus m’a permis d’initier mon éducation musicale sur les terres originelles du blues, dont je garde les précieuses séquelles sous les doigts – même s’ils ne tissent guère plus que des accords. Je puisais dans la discothèque paternelle (Big Bill Broonzy, Hendrix, Mayall and co.) aux sources jubilatoires de ces guitaristes qui ont formé ma perception du si vénéré feeling, vibrant sous leurs touchés habités. Je garderai ainsi toujours la préférence pour l’expressivité de deux pauvres notes bien senties plutôt que celles qui déboulent en cascades et défilés impressionnants – même si les tournures agitées et délicieuses d’un S.R.Vaughan, les épates lyriques d’un Slash ou les circonvolutions amphigouriques de John Scofield sauront également me faire trembler. (Notons que chacun porte les stigmates avérés d’une initiation pure et dure à la mystique « blue note »…)
Tout a donc commencé par la guitare. Vers 15 ans. Le blues, first steps, premières errances, premiers flirts mélodiques, première passion : le carré, la sueur, l’âme. Dans le monde propret de la ville calviniste et contre la peau lisse de mes inhibitions, ces grognements gutturaux, ces refrains obsessionnels, ces beats binaires et rustres, l’imprécision sale, sensible et libre de cette musique endiablée, tous ces éléments venaient animer les pulsions contenues, réveiller les élans timides d’un garçon bien élevé, le cœur entravé par le mariage malheureux de son éducation et de son tempérament, suscitant un soupçon (tout intérieur) de révolte dans l’ordre policé d’une vie par ailleurs fort sage… L’amitié s’en est mêlée, la meilleure a apporté ses baguettes pour taper dans nos chambres respectives sur le dos des chaises, et accompagner mon mimétisme maladroit mais formateur. On se réinventait un ailleurs, dans ce monde lointain d’une culture qui nous fascinait, nous prenait aux tripes. Un troisième pote sur le chemin et la première formation électrique – premiers jacks, premiers amplis, ça gueule dans la cave, les wha-wha déchirent les murs et les tympans, ça claque sec sur les peaux tendues, sur nos visages les grimaces hallucinées de trois Voodoo Chile en transe, bonheur au sous-sol ! Comme une gangrène, la musique gagne alors du terrain dans les préoccupations, fait sa place dans les rêves, creuse son trou dans les chairs. Pendant les cours, dès que je m’ennuie, je visualise et chante in petto les solos que je connais par cœur, j’en improvise d’autres et mes doigts dansent sous le bureau, univers à portée d’esprit qui permet d’échapper à tout ce qui emmerde et fait mal. Grosse revanche intérieure sur toutes les frustrations libidinales, regain d’amour-propre, aire de liberté secrète, la musique joue sur plusieurs étages, nourrit les différentes strates de ma personne en pleine construction. Le blues a fini par trouver ses marques dans le funk-fusion-mal-léché qui explosa à nos gueules en écoutant le Blood Sugar Sex Magic des « Red Hot Chili Peppers ». Passent 10 ans avec le trio de base et des électrons plus ou moins libres gravitant autour, dont il ne reste malheureusement nulle trace sonore idoine à en partager l’émission… Les compositions originales et la passion n’ont pourtant pas manqué !
Après le départ en voyage de l’ami batteur, l’aventure a continué quelques années et laissé derrière elle ces quelques titres, écoutables sur la page de notre nom d’alors : Addis Club (mis en boite chez Sure Shot Records) – formation dont certains membres agissent désormais chez les PapasRojas. J’ai cessé l’addiction funkienne quelques années avant d’en remettre une couche avec les ex de Delicatefunk dont nous avions partagé le local et le bassiste. Un demi-lustre pour des jams orgasmiques à profusion, qui n’avaient d’égal en intensité et en inventivité que les échauffourées intestines ! Au local ou à ciel ouvert (Play-Mobil et notre générateur à essence), pour finalement l’élection de quelques titres enregistrés chez Wood Studio sous le nom de Playtime Syndicate. Avant de faire ce que nous ne saurions définir être une fin ou une parenthèse…
En parallèle de ces aires joueuses et légères, une force de gravité n’a eu cesse de tirer à elle des forces plus intérieures et retournées. Plexus. La parole cherchait sa voix, ne trouvant pas toute l’expression de ses nécessités dans le langage sibyllin des cordes frappées, tirées, cassées. Il fallait du souffle et des mots. Les chansons se sont accumulées au fil des ans, quelques cassettes et démos enregistrées maison, tandis que problèmes vocaux et terreurs ontologiques ont mené la vie dure à la part visible de cette production. Une fois les réflexes organiques remis en meilleure disposition (nécessitant phoniatrie et rééducation vocale), il restait cependant les terreurs, et ce sont elles qui ont fait la rareté de mes apparitions depuis lors, transformant chacune d’entre elles en une expérience où le plaisir avait déserté sans laisser la moindre trace, le territoire étant tout entièrement occupé par les tensions et l’invalidante absence qu’il me venait de gérer ces situations éprouvantes. J’ai eu mes premiers instants de présence pleine et calme sur la scène de Marche à l’Onde en mai 2009, et depuis je continue progressivement d’évaser ces instants en plages grandissantes de plaisir et d’émulation. Une jolie perspective!…
En vidéo: ça commencé par un « non, surtout pas! »
Je me souviens distinctement Catherine Baroni de Studio Corium me demandant si je n’aurais pas envie de me mettre à la vidéo. C’était en 2014 environ, et j’ai tout suite dit: « Ah non surtout pas! Déjà que je galère à gérer la musique, l’écriture et la photographie, je ne me vois pas rajouter un élément… » Et on a ri. C’était sans compter que quelques années plus tard j’allais mettre un doigt dans l’engrenage en utilisant la vidéo pour présenter naïvement mes chansons. De fil en aiguille, je me suis pris au jeu pour finalement découvrir que c’était un média fabuleux pour moi: je pouvais tout y mettre! Ma musique pouvait accompagner mes mots et mes images.
Depuis mon rapport à cet « instrument » n’a cessé d’évoluer. En 2020, je commence à y saisir ma voix. Sans le savoir, je réalise ce qu’on pourrait appeler des courts métrages documentaires autobiographiques. Un an plus tard, je m’approprie un peu plus activement cette activité: lire mon article « je prétends faire des courts-métrages?! »