Un bonheur simple et passager

bonheur simple journal intime boris dunand

Plusieurs fois de suite que je raconte essentiellement des choses qui vont bien, des bonnes choses, de bonnes expériences, surprenantes, très très simples. Ces moments de bonheur qui me prennent au dépourvu, en promenade dans Carouge, au travail devant mon bureau, en train de compulser mes écritures, de monter un de mes films, de rouler sur mon vélo. La fois la plus manifeste, c’était ce plaisir de marcher. Je marchais dans Carouge, et tout d’un coup j’ai été embrasé et embrassé par le plaisir sensuel de marcher, de bouger.

Pas ce bonheur là

C’est moi ça, je me reconnais là, je suis avec moi, en train de marcher, c’est moi qui suis en train de vivre ça, dans mon corps, ce sont mes sensations, réelles, immédiates, simples, manifestes. Rien de la grandiloquence de mes transes et sentiments océaniques : ce n’est pas du tout la même chose. Je ne pars pas dans les vapes, il n’y a pas de coupure, pas d’échappée, pas de regard externe évasé, ce n’est pas un trip de conscience avec le corps qui disparaît, ses limites qui se confondent avec l’ensemble. Ni d’une soudaine osmose entre le réel et mes rêves qui se rejoignent enfin, de ces euphories qui me prenaient quand tout d’un coup une scène du réel entrait parfaitement dans le puzzle de mes rêveries.

Un plaisir physique

Non, c’est une émergence très physique, faite de sensations et d’émotions. Je suis là, en train de marcher, et tout d’un coup je sens tout mon corps, je le sens marcher, et j’éprouve un plaisir terriblement touchant, je me sens vivant, juste vivant – ou peut-être plus exact encore : je sens ma vie, mon corps en vie. C’est difficile de mettre des mots sans dénaturer la simplicité de ce qui a lieu, ni sans mettre au péril du jugement l’émotion suscitée. De témoigner d’un ressenti identifié comme précieux pour une chose aussi bête que de marcher. Difficile de rapporter l’importance subjective de ce moment si anodin, si banal sans l’écraser par un « bon ben oui tu t’es senti bien quoi, on va pas en faire un fromage… » Et pourtant si, c’était un fromage subtile, inconnu, troublant, c’était complètement nouveau pour moi, pas familier du tout, ce goût, cette consistance, ça ne ressemblait pas à toutes les autres fois où j’étais content de vivre, joyeux. Et encore une fois, je n’étais pas extatique du tout, plutôt ému. Je n’étais même pas dans un bel endroit, une atmosphère particulière non, sur le trottoir de bitume, entre la fin de travail et le retour à la maison, je marche sans raison sinon de faire une transition et voilà que ma vie me monte au nez comme de la moutarde, avec les yeux qui piquent.

Un bonheur simple

Ça m’évoque aussi ces autres fois où trouvant du confort et de l’abondance dans ma vie, je me disais : « C’est ça ? C’est tout ? » Mais c’était un regard sur ma vie et ce qui m’arrivait, et mon bien-être général, qui s’avérait différent de ce que j’avais imaginé, et qui me surprenait. Mais ce n’était pas cette expérience organique, simple, circonstancielle, courte, physique. Là, je ne fais pas le constat d’un bien-être général, mais d’une sensation physique du moment, précise, qui me prend par surprise, une expérience phénoménologique pure. Il n’y a pas d’histoire de regard, de conscience, de considération, de pensée. Ça commence par une perception sensitive, et ce n’est, à la base, que ça. Comme un coup de poing de la vie qui me dit : tu es là !


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Artiste polymorphe suisse

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