La source du malheur (une des)

Photographie Boris Dunand (www.borisdunand

Surtout pas

Non, surtout pas. Surtout ne pas me poser la question : « Bon, alors, on fait quoi, c’est quoi le projet ? » J’ai écrit chacun de mes recueils sans le savoir. Cultiver plutôt l’absence d’intention. Être le jardin qu’il faut juste emmener au bon endroit et laisser germer, sans intervenir jamais. Je suis bien trop enseveli sous des couches et des couches de d’injonctions et d’exigences pour rajouter une seule sans finir étouffé, privé de la moindre inspiration. Mon travail consiste avant tout à défricher, à faire place nette. Mes notes sont mon œuvres. Anarchiques, touffues, emmêlées. Traversées de part en part par des coups de machette qui tentent d’y voir plus clair. Mon journal est ce que je peux faire de mieux. Il faut juste retirer ce qui n’est pas vibrant – comme je retire les images qui ne me parlent pas dans une série. Je n’ai rien à inventer.

Bouffi de bonheur

Je continue de relire, entre deux coups de stylo, « je descends la rue de SIAM ». Le goût de café recouvre toutes les parois de ma bouche. Les mots de Jean-Guy Coulange résonnent comme des cris de poésie silencieuse et bouffis de bonheur intérieur. Ô comme je suis bien, dans mon écharpe, le torse rencogné contre le dossier de ma chaise, la lumière à travers la grande fenêtre, le confort de mon pull qui me couvre comme la musique enveloppe mes sentiments.

Source d’un malheur

Et ça me frappe de sentir distinctement que ce bonheur est instantanément malmené dès que j’installe dans ma pensée la question de la création dans le rapport aux autres, dans la question, l’imaginaire, d’une forme qui permettrait la reconnaissance, la validation, le statut. Dès que ça cherche autre chose que ce qui est là comme c’est.

Artiste polymorphe suisse

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