Je reste là, dans la zone muette. Je regarde dedans, ou dehors, je ne sais plus trop où se trouve quoi. Le présent se mélange. Mes respirations confondent tout, en tout ce que je respire, je respire enfin: dans mes poumons affaissés, l’air passe mieux. Entre mes muscles las, les mains du souffle dénouent la dictature. Au bout de chaque branche pointent des bourdons verts, une petite pousse de renaissance. Il me faut des fatigues colossales pour réussir à me reposer. Celle-ci est comme une pirogue, profonde, molletonnée de coton et de feuillages, comme la niche d’un ours soucieux de son confort.
Comment Vincent Munier en train d’observer le paysage pendant des heures, je peux rester ici sans la moindre impatience, à l’affût des mots, d’une impression, d’un souvenir, d’une compréhension. Comme le dit Tesson à son égard dans La panthère des Neiges : « tu es là où tu dois être, tu as trouvé ta place ». J’ai rarement l’impression d’être autant à ma place que quand j’écris en écoutant de la musique. Certes, il y a souvent l’ailleurs d’une musique qui serait plus légitime, plus intéressante, plus littéraire, que mes pensées quotidiennes, mais en fait : quel pied absolu, quel délicat bonheur.
4 janvier