Le potentiel artistique des choses

potentiel artistique

Qu’est-ce que l’art, qu’est-ce que la poésie, qu’est-ce que la poésie dans l’art. Ou comment faire de l’art avec n’importe quoi. Comment faire de l’esthétique, de l’étonnement, du ravissement, du questionnement, avec n’importe quel objet, n’importe quel geste, n’importe quelle parole. Je sens la question me réveiller, susciter cette chose en moi que j’appelle réveil. Comme une sortie de brouillard, de sommeil, de flou. Les choses deviennent nettes, un contour les saisit, je vois mieux.

Par exemple, devant moi, le demi-cercle de ma table se révèle, se dessine tout d’un coup. L’angle droit dessiné par le reflet du soleil, et la silhouette de la tasse de café. De les dire seulement provoque en moi une poésie, une trace plus prégnante que le seul réel. Ces objets, présents parce qu’utiles, se chargent soudainement d’une vie, ils deviennent temporels, fragiles, beaux. Ils plaisent à mon regard, ces formes qu’ils dessinent, ces sensations qu’ils me procurent. L’historicité de leur présence au monde émerge, le moulage, les distances, le siècle, et notre passage commun.

 

Je peux prendre ce que j’ai sous la main et comprendre leur potentiel artistique. L’inventer. Le raconter pour le créer. Est-il déjà là avant que je ne le décide ? Sont-ce les mêmes imaginaires, celui qui les a créé dans la matière et celui qui les informe d’une symbolique ?

La question me ramène à mes rangements, mon tri, ce processus créatif que je peine à vivre comme tel. Ma table n’est pas juste une table. C’est celle que je me souviens avoir choisie, avec ses formes 68ardes, et qui ne se fait plus, qui m’évoque des films, une période, une ambiance, des valeurs, une musicalité. La tasse vient des premières cuisines de mes parents, leurs lèvres se sont posées dessus quand ils étaient plus jeunes que moi aujourd’hui, elle n’est plus de ce monde et y survit cependant, m’accompagne, tisse une trame de l’enfance à mon devenir perpétuel. Je serais incapable de dire si elle est belle, kitsch, vieillotte, passée, je ne la vois plus, je vois un lien, une histoire, des présences, une vie. De le dire seulement, de l’écrire ainsi, dans cette prose qui s’écrit à la façon d’un poème, est-ce créatif, artistique ?

Artiste polymorphe suisse

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