Un mensonge qui fait du bien / 007
Je volais. Aujourd’hui, on me prendrait pour un fou, un drôle. Mais je volais. Personne ne me croira plus. On m’a vu pourtant. C’était entre les deux grandes périodes. Je n’étais pas le seul. D’autres individus avaient d’autres facultés. L’entre-deux est devenu un mythe. Pourtant, pour qui l’a traversé, c’est une autre histoire. Certains sont morts avant et ont repris vie après. Même nous, nous finissons par douter, forcément. Comment cela a-t-il bien pu se passer ?
Rien n’est crédible dans cette histoire, rien. J’en conviens volontiers. Pourtant il me faut la raconter comme la réalité qu’elle fut : tangible, vraie et passagère.
Plus rien ne fonctionnait. « Comme par hasard » ils nous disent. Toutes les technologies : hors service. Aucun enregistrement possible, sinon ces images dans nos cerveaux, qui flottent avec la même allure que les souvenirs d’un rêve. Si nous n’étions pas quelques milliers à pouvoir se pincer mutuellement la peau, sans doute finirais-je par me convaincre que j’ai eu une grande hallucination, que j’ai dû avoir un choc, ou qu’on m’a injecté une mémoire infestée par un énorme bug. Je volais : comment pourrais-je bien y croire moi-même, tandis qu’aujourd’hui même les oiseaux peinent à se dégager du sol plus que quelques minutes, retenus par la force d’attraction terrestre qui a décuplé entre-temps. C’est le seul indice qui ébranle les autres : ils ne se souviennent pas du moment de bascule.
