Des embryons de plaisir

Plaisir Prose Poetique

Citron, la nouvelle que je viens de lire. Sur mon canapé, le matin, sans café, sans rien. Dans le silence. Avec les yeux qui tombent, le sommeil qui me rattrape. Mille et un réveils dans la nuit, le corps tétanisé. Une dernière fois. Si seulement. Jolie la nouvelle. Auteur japonais dont je ne me souviens pas le nom, mais en tournant la tête légèrement à droite, parfois ça active ma mémoire : Kajii Motojirō. Le livre est posé sur la table basse. Une étrange familiarité. Il m’a donné envie d’écrire. Et je me souviens maintenant de ce photographe qui, hier, me parlait des personnes qui ont peur d’écrire, la pensée tétanisée par des murailles d’exigences insurmontables. Qu’est-ce qui fait que l’écriture chez moi transperce avec une relative facilité ces murs que je connais bien ? L’habitude ?

Il est malade l’auteur, réellement. Il en est mort très jeune. Le personnage de la nouvelle est malade aussi. J’ai l’impression de comprendre cette écriture, de la connaître bien. Et maintenant que je peux me risquer, moi aussi, à me raconter des mensonges qui font du bien, je le comprends mieux encore dans ses fabulations, ses grands pans de vide. Ça m’a fait du bien, cette connivence. Je suis malade aussi, à ma façon. Cette chronicité de la souffrance psychique, en écho à ses poumons infectés. Je ne suis pas mort de mes peines. Je peux écrire encore, explorer cette nouvelle dimension de la pensée. Elle est douce cette folie-là, à visiter.

Peut-être que je dormirai bien ce soir. Ça faisait très longtemps que je n’avais pas pu m’offrir ça. Autre chose que la routine soumise au règne de l’angoisse : une envie. L’envie de lire. Je me souviens de la joie aussi, hier soir, entre la série Breaking Bad et le sommeil mauvais, surgissant dans l’interstice où j’ai eu l’élan de rallumer la lumière et de faire des choses dans mon nouvel appartement. D’habiter mon espace. Je ne me souviens pas avoir déjà éprouvé ceci : profiter du lieu où j’habite. Profiter du lieu où j’habite – quelle étrange phrase en moi. Après 25 ans confiné dans des espaces étouffants de limites, je découvre le goût de circuler d’une pièce à l’autre, d’y être. C’était drôle, à haute voix je me disais : « je ne sais pas quoi faire, mais j’ai envie d’allumer toutes les lumières et de profiter de mon appartement, mais je ne sais pas quoi faire, mais j’ai envie d’en profiter… » Et en profiter, c’était le voir, y circuler, y être, en prendre soin.

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Artiste polymorphe suisse

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