Je suis en train de slalomer intensivement. Rester entre les piquets, délicat et difficile. Entre les piquets : le jeu, le goût, le plaisir. En dehors : toutes les exigences, l’imaginaire de l’attention des autres, et des gestes que je ne ferais pas sans cette soudaine pression à tout enregistrer. C’est délicat, parce que le plaisir joue sur la même partition : quelque chose d’un tout enregistrer – d’être présent à tout, à tout ce qui peut être important maintenant. Important : joli, intense, remarquable, agréable ou désagréable, particulier. Je deviens l’acteur d’une vie qui est la mienne où presque tout me passionne. Je peux m’intéresser à ma mauvaise humeur : elle devient un objet de récit ?
Je ne sais pas ça. Ça va très vite. Je descends la pente du jour et je slalome tout en me regardant slalomer. J’anticipe les portes, tout d’un coup je devine que j’en ai raté une : cette capture vidéo je n’en avais pas vraiment envie, je l’ai faite par anticipation d’un besoin d’images pour remplir mon contrat. Et ça je ne veux pas. Niet. Pas moyen. Ça brûle, ça épuise, et surtout, sur le moment, c’est tout sauf du plaisir, du jeu, de l’insouciance, de la gaité. C’est du contrôle, de la peur, de l’anxiété d’anticipation. Nope. J’ai senti, ouf j’ai senti que j’avais raté la porte, je peux me ressaisir, me détendre, oublier cette affaire, attendre sans attendre le prochain coin de pensée, le prochain éclat de lumière.
J’aimerais tellement tenir, pour de bon, la main de ce qui me rend joyeux, léger, content. La vie est tellement moins insensée alors.
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