Le vague des airs

Le vague des airs – 2008

 

Ainsi je dérive dans le flanc du jour, quotidiennement, je reprends mon voyage vers les lointains innommables, suspendant mon attention au-dessus du paysage. Tout s’éloigne et se rapproche, se distingue et se confond. Homme comme les autres, pétri de ma condition, me voici soucieux de ne pas oublier la fragilité de ma présence – aune à laquelle je voudrais mesurer la valeur de cette inconditionnelle faveur, cette unique possibilité d’être. Alors je fais taire babillages et théories, et recouvre d’une toile épaisse les membres excités de mon esprit. Et dans la pénombre quiète, immobile sur mon socle de pierre, je tente de déchiffrer les diaprures qui se mettent en mouvement dans cet espace désœuvré.

Septembre – Novembre 2008

Ci-dessous, un mot de Mr Vallon des éditions de l’Age d’Homme

editions l'age dhomme

PRÉSENTATION PAR L’AUTEUR

Ce texte est sans histoire. Il ne transporte pas dans le cours d’un récit, n’inquiète d’aucune énigme. Il ne propose pas de réflexion, même s’il se peut qu’il fasse réfléchir. Ce sont les mots d’un être qui se retire de la précipitation quotidienne et contemple pour un temps ses sensations, son existence, les événements du jour. Il chérit la conscience d’être vivant, même si elle le fait parfois souffrir, et souhaite plus que tout la célébrer. Quand il s’installe pour écrire, il s’imagine qu’il monte un chemin gravé dans le flanc du jour, jusqu’à une grotte de pierre, un espace blanc d’épure. Il cesse alors tout mouvement de prise sur l’existence et se dispose à recevoir ce qui pourrait venir à lui. Si on le suit quelque part, c’est dans les méandres de sa pensée, de ses visions, le goût de son rituel, le témoignage de ses impressions – l’incessante tentative de ne faire qu’un avec le monde. On commence par comprendre la nature de son rituel, combien parfois le vécu qu’il espère se refuse à lui. Il traverse des déserts, des afflictions, se déleste de ce qu’il croit savoir, il rêve, se laisse toucher par la souffrance d’autrui, investi d’un sentiment de gratitude, s’émerveille, mesure la fragilité de son souffle, éprouve la mort d’une personne proche, constate la continuation de la vie et s’étonne de la folie désirante de celle-ci. Longue ode, poésie réflexive, chant suspendu, ce récit contemplatif ne se donne pas sans immersion et investissement, mais en retour il propose une vraie consistance de pensée et de présence au monde.

Le vague des airs est un livre qui, au lieu de proposer une histoire, propose un état, une parenthèse, une suite d’arrêts sur image. Témoignage sans adresse, qui pourtant interroge par ricochet, indirectement, la façon dont notre culture privilégie le faire à l’être, l’action à l’inaction, le rendu objectif de nos agissements aux richesses invisibles de l’être; il reflète implicitement la façon dont la civilisation occidentale délaisse, voire ignore, la valeur du creux, de la réception, de la contemplation. C’est en tout cas à cette dimension d’intériorité et de passivité que le narrateur choisi de donner la priorité chaque fois qu’il s’installe devant la feuille. Il y est question de quête, de liberté, d’appartenance, d’émerveillement. La complexité du monde vivant et la nécessaire interdépendance sous-tendent les représentations et perceptions du narrateur. Il y est propos, essentiellement, d’une vulnérabilité constitutionnelle de l’identité humaine, de l’humilité et de la considération qui y prennent racine.