Je prétends faire des courts-métrages (?)

2020 12 Charmey Courtmetrage Avec Papa 4

J’ai découvert tout récemment que je pouvais étiqueter mes productions vidéo de l’intitulé « court-métrage ». Ça m’a surpris, fait plaisir, et surtout donné une sorte d’identité de partage: tout d’un coup je savais comment appeler le résultat de mon travail, je pouvais m’inscrire quelque part. Je pouvais remplacer « court film poétique » que je ne vois nulle part par « court métrage » que l’on voit partout. 

Cet événement est arrivé quelques mois après que je découvre l’existence du documentaire autobiographique. C’est Philipe Leone (artiste, coach sportif, thérapeute corporel) qui m’avait envoyé le lien vers un film de Ross McElwee en me disant que ça lui faisait penser à mes films. Une autre révélation qui m’avait pareillement permis de trouver une sorte de légitimité à créer ce que je crée en vidéo.

Pourtant, je continue de me sentir tel un imposteur. Un vague malaise qui me dit que je ne peux pas décemment appliquer la notion de court métrage à mes productions. Petit à petit, ce malaise diminue, et il a pris un sérieux coup dans l’aile il y a quelques jours. Voici comment et pourquoi:

Ce que je ne fais pas

Hier je pensais à ce malaise que j’ai de « prétendre » faire des courts-métrages. Et puis je me suis dit, tandis que je déambulais dehors : d’accord, je n’écris pas de scénario à l’avance, je ne dessine pas de storyboard, je ne fais pas de visite de lieux à filmer, je n’embauche pas des acteurs, je ne sais pas quelle histoire je vais raconter avant d’y être, je n’utilise pas de lumières, je n’ai pas d’équipe, je ne fais pas des recherches de fonds, je ne filme pas selon des plans-séquences décidés à l’avance, je ne fais pas de projections en salle, etc.

Ce que je fais
Filmer

Au niveau technique
Je choisis mon matériel avec soin, suivant ce que je vais filmer, les conditions et mes envies du moment. J’en connais des aspects techniques relativement poussés – je ne filme rien en automatique et reste maître du choix de tous les paramètres en jeu. Chaque plan que je filme est choisi selon l’angle, la lumière, les couleurs, un arrangement esthétique auquel je suis particulièrement attentif. Je vérifie souvent si les plans que je viens de filmer correspondent à ce que j’imagine. Je réfléchis toujours à des plans complémentaires qui enrichiront les points de vue, parfois je pense aussi à filmer des éléments de récit, de transition, pour qu’on comprenne mieux le passage d’un lieu à un autre, d’un moment à un autre – un aspect que je commence à volontairement négliger: il me rend trop cérébral; je privilégie depuis un rapport de plaisir et d’inspiration à l’image, et fais confiance que les trous peuvent être remplis par chacun. Je pense à capturer des sons qui me serviront, soit en parallèle, soit avec un micro associé à mon équipement.

Au niveau créatif
Prenant progressivement de plus en plus conscience de ce qui se joue en moi intimement quand je filme, j’affine dans le même temps la précision créative de mes captures. Comme je viens de le dire, je préfère me concentrer sur un sentiment de nécessité intérieure à engranger ce qui a lieu, plutôt que sur le souci d’une cohérence de récit, d’une compréhension claire de la lecture, d’une fluidité temporelle.

Montage brut

Je passe en revue et édite chacun de ces plans, je crée un premier montage qui me permet d’éliminer grossièrement tout ce que je décide de laisser de côté. En suivant une intuition esthétique et analytique, j’élimine, coupe, déplace, organise les éléments. Jusqu’à avoir un objet complet, qui tient de lui-même, dans lequel j’irai ensuite décider des détails d’édition suivant la suite du processus.

Musique et ambiance sonore

Sur un site auquel j’ai payé un abonnement, je cherche un ou plusieurs morceaux qui à la fois se marient bien aux ambiances mais aussi servent la tonalité émotionnelle des séquences. J’ai souvent une représentation précise des instruments, ambiances et rythmes que je veux et ne veux pas. J’ai aussi une vague idée de la couleur harmonique souhaitée: gaie, triste, neutre, feutrée, mélangée. C’est une recherche qui me demande de la patience. Au téléchargement, je spécifie à chaque fois les licences spécifiques selon l’usage que je vais en faire.
Parfois je télécharge également des bruits d’ambiance qui me manquent et qui ajoutent une qualité immersive  et réaliste au film. Je fais presque tout le temps un gros travail d’édition du paysage sonore: allonge sous les plans pour créer des transitions par le son, arrondis les angles, ajuste les volumes, etc.
J’ai petit à petit créé des presets (préréglages) qui me permettent d’accélérer ce travail qui est sans doute la partie qui me plaît le moins (peut-être la seule qui ne me plaît pas même) – mais qui ajoute une telle qualité d’immersion et de séduction qu’il est difficile de la négliger, si c’est ce que je souhaite.

Écriture

Je réalise presque toujours un travail d’écriture. Parfois en amont, parfois en même temps ou après coup. Il faut que les mots résonnent avec les images, d’une façon ou d’une autre. Parfois les deux éléments viennent d’expériences lointaines dans le temps et l’espace, parfois ils sont intimement liés. Il y a toujours un gros travail d’édition, d’adaptation au langage parlé, de quantité de mots, de résolution finale. 

Enregistrement voix off et édition

Hormis quelques rares exceptions où j’ai fait participer des gens, j’enregistre moi-même la voix off, en cherchant débit, timbre, intonation adéquate et aussi naturel que possible.
Là aussi, j’ai petit à petit amélioré la qualité du rendu en utilisant différents plugins que j’ai enregistrés en presets et que j’applique systématiquement et ajuste selon les qualités spécifiques de ma voix au moment de l’enregistrement: compression, réverbération, limiteur, noise gate, égaliseur… 
Il y a un équilibre et une balance à trouver entre voix off, musique et sons d’ambiance, et rythme de la vidéo, c’est également un travail délicat.

Montage de l’ensemble

Il m’arrive de travailler la colorimétrie et la luminosité de chaque plan. Je fais en tout cas toujours des corrections pour les plans manifestement déséquilibrés (en couleur ou en lumière, en stabilité aussi).
Le choix du titre, de la typo ne se fait pas au hasard non plus. Tout doit représenter ce que le film raconte.
J’ai créé une séquence de fin que j’applique à chacun de mes films (signature, date, remerciements, invitation à l’action)

Export

Une fois que tous les éléments sont équilibrés, ajustés, corrigés, etc. je dois exporter au format adéquat pour la mise en ligne sur internet. Souvent j’utilise ces exports pour regarder sur téléphone ou sur écran et me rendre compte de choses qui auraient pu m’échapper. L’occasion de corriger quelques derniers détails.

Publication

Chercher le titre qui assemble les meilleures options SEO (Search Engine Optimization / référencement) tout en ne trahissant pas le thème du film. Idem avec la description et les hashtags, chacun de ces contenus fait l’objet d’une réflexion active, de choix précis – sur lesquels je peux revenir parfois des mois après.
Depuis quelque temps, j’inclus ma voix off en sous-titres. Ceci assure la clarté de compréhension mais améliore aussi la probabilité qu’un nouveau public découvre mon travail: chaque mot implémenté dans le système peut servir aux moteurs de recherche. Depuis quelques mois, je profite des options de traductions automatiques de google pour traduire titre, description et sous-titrages dans 2 à 5 langues.

Diffusion

Je m’occupe ensuite de partager ce résultat final sur toutes les plateformes que j’ai investi: facebook, instagram, tik tok, tumblr, twitter, linkedin…
Je participe quand je peux à des concours, et je commence à imaginer des moyens d’atteindre les réseaux officiels de diffusion (journalistes, blogeurs)

Conclusion

Donc oui, je crois que je peux dire que je réalise un travail conséquent qui mérite l’appellation de courts-métrages: des courts film autobiographiques de moins de 59 minutes. Voilà pour l’étiquette et la technique, le comment. À la question du pourquoi, ma réponse s’affine (et évoluera probablement indéfiniment), et je crois qu’elle ne fait que répéter la même chose que pour mes autres aires de créativité. Au fond, que ce soit en vidéo, en écriture, en photographie ou en écriture, le moteur fondamental est toujours le même: garder une trace de ma vie, et témoigner de ce vécu particulier en espérant des réponses touchées, rencontrées, interpellées.

Artiste polymorphe suisse

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